Peugeot 104 ZS - 1976 PDF Imprimer Envoyer
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Mardi, 16 Juin 2009 10:44
 

LA GIRAGLIA 1976
(Georges-Michel Fraichard, l'Auto Journal, 1.3.1976)

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Ce n'est pas sans un pincement au coeur que Timo Makinen prit le départ de la Ronde de la Giraglia au volant du coupé Peugeot 104 ZS : dix ans plus tôt, c'est en conduisant la première mini - celle de Morris que John Cooper avait transfigurée - qu'il avait connu ses premières heures de gloire... Cette participation à la course bastiaise n'était d'ailleurs pour Gérald Allégret, le responsable de la compétition chez Peugeot, qu'un premier test sérieux devant permettre de jauger les possibilités d'un prototype encore aux mains du service des études de la firme.
L'expérience allait malheureusement tourner court et, pour la seconde fois, une rupture de pièce allait stopper la voiture après quelques dizaines de kilomètres seulement. Déjà, lors d'un essai sur terrain privé, un boulon du pont autobloquant avait cassé; cette fois-ci, une pincée de limaille bouchant un filtre de pompe à huile avait fait chuter la pression d'huile et Makinen, fort sagement, décida de mettre un terme à l'expérience avant d'endommager plus gravement le moteur. Excellent réflexe qui allait permettre de définir avec plus de précision le point faible de cette mécanique.
Qu'est-ce, au fait, que cette 104 ZS que nous avons baptisée "rallye" pour la différencier du modèle de série ? Une voiture qui a été préparée dans la limite des transformations que les sportifs appellent, dans leur jargon, le "groupe 2", étant entendu que les voitures de grande série appartiennent, elles, au "groupe 1". Le groupe 2 admet, en compétition, des voitures de grande série dont les performances ont été améliorées par un travail sur les pièces d'origine : on peut raboter, limer, polir, mais à condition qu'il soit toujours possible d'identifier la pièce initiale.
Encouragé par ses succès dans les grandes épreuves africaines, Peugeot a compris tout le parti qu'il pourrait tirer d'une opération similaire menée à partir du plus petit modèle de sa gamme le coupé 104. Car non seulement Peugeot a l'intention de constituer une équipe de quatre coupés 104 ZS rallye à moteur 110 ch, que conduiraient, d'une part Mariane Hoepfner et Christine Dacremont, et de l'autre Claude Laurent et Jean Ragnotti, dans une sélection de courses françaises, mais encore de commercialiser un "kit" 85 ch comprenant tes éléments moteur et carrosserie permettant à tout possesseur de coupé 104 ZS de donner plus de vie encore à une voiture qui déjà ne manque pas de vélocité avec ses 66 ch d'origine.
La disparition des célèbres "Cooper" a laissé bien des nostalgies, et Renault ayant orienté la préparation de sa R 5 exclusivement vers la piste, Peugeot peut trouver une veine intéressante à exploiter.
L'orientation différente de la politique sportive des deux premiers constructeurs français est d'ailleurs de plus en plus marquée alors que Renault s'est totalement axé vers la piste - des formules de promotion à la Formule 1 - Peugeot, lui, se tourne exclusivement vers la route en courant avec ses voitures de série convenablement adaptées au service que l'on en attend. Les tests effectués dans l'Atlas marocain par Hannu Mikkola au volant du coupé 504 à moteur V 6 ont été très encourageants certaines étapes qui n'avaient jamais été franchies à plus de 80 km/h de moyenne avec la berline 504 ont été couvertes, fin janvier, à plus de 100 km/h de moyenne! Un démontage en cours au service compétition dira si la transmission a supporté cet effort. Si les examens sont positifs, Mikkola disposera d'un coupé V6 entièrement neuf pour le prochain Safari, tandis que Ove Andersson et Berndt Shankland courront avec les classiques berlines quatre cylindres. Le V 6 préparé pour les courses africaines développe 220 ch à 6 500 tr/mn avec un régime d'utilisation limité à 8000 tr/mn. A noter que son taux de compression n'excède pas 9,5/1.
Gérald Allégret, qui avait initialement pensé courir également à l'Acropole et au Maroc, a dû renoncer à l'épreuve grecque elle est trop rapprochée du rallye du Maroc et, de plus, ses pilotes sont mobilisés par Ford et Toyota. Mais une nouvelle éventualité peut également être envisagée que la situation politique conduise à l'annulation du rallye marocain...
La grande offensive, pour Peugeot, ce sera, de toute façon, en 1977 Gérald Allégret et sa légion étrangère affronteront Lancia, Fiat, Ford et Toyota pour conquérir le titre de champion du monde des rallyes et l'offensive débutera dès le rallye Monte Carlo!


La Giraglia, c'est simple une boucle de 60 km dans l'extrême pointe du Cap Corse à couvrir dix fois. C'est tout. Pour satisfaire aux règlements et faciliter la circulation sur la côte orientale de l'île, une section de il km est pratiquement neutralisée.
Si la ronde a enlevé beaucoup d'imprévu à la compétition routière elle a, en revanche, l'avantage de favoriser une meilleure. organisation. Le public lui-même y trouve son compte en voyant passer à plusieurs reprises les concurrents dont il apprécie mieux les efforts. Bien que, sous ce rapport, le découpage de la course en deux parties égales, pour lesquelles on avait attribué respectivement 8 h 30 et 6 heures pour accomplir chaque fois cinq tours, venait perturber la logique du raisonnement.
Bernard Darniche et sa Lancia Stratos ne pouvaient être battus que par un incident technique. Darniche l'emporta aisément, et cela d'autant que le seul pilote d'Alpine capable, non pas de l'inquiéter, mais de se tenir à l'affût pour profiter par exemple d'une crevaison, disparut à l'issue du quatrième tour de l'épreuve. Le Bastiais Jean-Pierre Manzagol fut en effet, une fois de plus, victime d'un blocage de sa boîte de vitesses. Un incident dont sa berlinette, aujourd'hui vieille de six ans, n'est pas avare. Dommage qu'elle n'ait pas tenu un tour de plus, car Manzagol eût terminé à une seconde place méritée.
C'est en effet à l'issue du cinquième des dix tours de la ronde que les organisateurs décidèrent de mettre fin à la course. Le début de bataille rangée qui opposait sur le parcours les amis et les adversaires d'un concurrent avait pris une tournure suffisamment inquiétante pour justifier cette décision.
Ces jets d'objets divers sur la route et sur les voitures ont-ils une relation directe avec l'affaire des vins trafiqués comme on l'indique ? Rien n'est moins certain dans un pays où la revendication a été élevée au rang d'institution.
Aujourd'hui, les organisateurs du Tour de Corse s'interrogent. Et nous les comprenons. Si les incidents successifs du Tour de Corse et de la Giraglia sont réellement dus à la présence d'un concurrent jugé indésirable par certains, l'affaire est ponctuelle et pourra être réglée d'ici novembre prochain. Si, en revanche, ces manifestations sont le fait d'opposants à la pratique du sport automobile sur lite, alors le mal est profond et doit être circonscrit pour, éventuellement, y porter remède.

Une ZS de série pour Christine Dacremont, une Gr5 110 ch 760 kg pour Timo Makinen), engagée par Peugeot.

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PEUGEOT 104 ZS RALLYE - SA FICHE D'IDENTITE

C'est l'ensemble moteur-boite qui a, bien évidemment, subi le traitement le plus énergique.
En partant du bas du moteur, on constate que le vilebrequin est d'origine, mais les bielles, elles, sont polies et un apport de métal a permis un bombage des pistons pour accroître le taux de compression. La culasse a été passablement triturée conduits d'admission déviés, conduits d'échappement polis, sièges de soupapes élargis tant à l'admission qu'à l'échappement ; une pipe d'admission spéciale permet l'alimentation par deux carburateurs Weber horizontaux de diamètre 40.
Un allumage électronique est normalement utilisé, tandis que l'allumage mécanique est conservé on secours (comme sur les 504 utilisées en compétition).
Pour la transmission, on s'est d'ailleurs inspiré des méthodes ayant fait leurs preuves sur les 504 montage d'un pont court et allongement des trois premières vitesses, tandis que la quatrième est conservée en prise directe. Cette astuce équivaut (presque) à une boite à cinq rapports sur laquelle on n'utilise presque jamais la première, très courte.
Un radiateur placé sous le pare-chocs avant accélère le refroidissement de l'huile assurant aussi bien le graissage du moteur que de la boite de vitesses, et dont la quantité n'a pas été augmentée.
Un couple de 11 mkg entre 5100 et 6000 tr/mn a permis cet allongement des rapports, plaçant pratiquement la première au niveau de la seconde de série.
Ainsi transformé, le coupé 104 ZS développe 110 ch à 7800 tr/mn contre 66 ch à 6500 tr/mn en série. Le régime maximum autorisé est de 8 700 tr/mn.
Pour servir Cet accroissement de puissance, la suspension a été corrigée, notamment, par un abaissement de la caisse (obtenu par l'utilisation de ressorts plus courts et moins souples). L'utilisation de roues larges (6 pouces on Corse) s'est accompagnée d'une refonte de la géométrie du train avant. A noter que les freins sont d'origine.
La pose d'élargisseurs de passages de roues et des équipements de sécurité (roll-bar, extincteur) a compensé le gain de poids obtenu par le dégarnissage intérieur de la voiture, si bien que le bilan final est voisin de celui de série 765 kilos.
DARNICHE SANS SOUCIS

 

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Une voiture est engagée en Groupe 2 à l'Antibes pour Pierre Pagani.
Dans un premier temps, il avait demandé à Peugeot s'il était possible d'essayer cette voiture. On lui répondit que non... avant de lui proposer de courir au rallye d'Antibes. Difficile de refuser! Cette petite voiture développe 11O ch et c'est sa seconde apparition en course. Makinen l'avait faite débuter à la Giraglia mais sans succès. Pagani pour sa part remportera sa classe, se montrant surpris par le haut degré de mise au point, la tenue de route et le moteur.

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Une Peugeot 104 ZS à la ronde de la Première Terre.

TOUR DE FRANCE AUTO - COUPE PEUGEOT-ESSO 1976
La 104 ZS bonne pour le service
(Francis Reste, L'Equipe, 30.9.1976)

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Les épreuves réservées à la Coupe Peugeot Esso ont bien souvent revêtu un intérêt soutenu. Peut-être parce qu'il s'agissait d'une formule monotype, aucun concurrent n'affichant sur le papier une supériorité qui aurait pu rendre ces courses peu alléchantes. De Dijon au circuit Paul Ricard, en passant par Magny-Cours, Bugatti, Nogaro et Albi, la lutte fut jusqu'au bout indécise. Nous en voulons pour preuve la dernière course sur le circuit Paul Ricard, avant laquelle quatre pilotes pouvaient encore s'imposer : Mathiot, Boyer, Jaffrenou et Desilles.
Tous quatre n'étaient pas des débutants : Mathiot a couru l'an passé en Formule Renault Europe, tout comme Marc Boyer qui a participé à quelques courses cette année encore dans cette discipline. Jaffrenou a débuté en 1976 en Formule Renault après avoir régné en maître l'an passé en Formule Bleue. Desilles, enfin, a une longue carrière de rallyeman derrière lui (8e sur Alpine-Renault au Critérium de Touraine cette année).
La proportion de "chevronnés" était d'ailleurs assez importante : Broudelhoux, Bellanger, H. Trautmann, pour ne citer qu'eux, avaient également tâté de la compétition. Sur seize voitures au départ de Nancy, cinq ont été éliminées à la suite de sorties de route sévères assorties de tonneaux, deux sur rupture mécanique due à un excès d'enthousiasme de leur pilote vis-à-vis du compte-tours (!).


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Mathiot et Jaffrenou à la lutte sur le circuit Paul Ricard.

Les rescapés eurent la satisfaction de retrouver avant et après chaque épreuve une assistance efficace. Elle était composée de trois hommes, Alphonse Thierry, Félicien Montrose et Philippe Boursin, qui se sont dévoués jusqu'à l'abnégation pour que tous les concurrents puissent s'aligner dans les mêmes conditions d'égalité au départ de chaque épreuve. Ils méritent un sacré coup de chapeau!
Le Coupé 104 ZS a désormais gagné ses lettres de noblesse. Les pilotes de la Coupe sur les circuits, leurs coéquipiers sur la route du Tour, ont eu l'occasion d'apprécier une fantastique tenue de route, doublée d'un excellent freinage et d'une suspension efficace. Seule la commande de boîte est apparue fragile : Boyer cassa la sienne sur le circuit de Magny-Cours, ce qui lui a peut-être coûté la victoire finale.
Il faut espérer que cette première expérience poussera Peugeot à renouveler l'opération pour le Tour Auto 1977. Et pourquoi pas la mise en place d'une véritable Coupe Peugeot Esso, utilisant les 104 ZS comme moyen de promotion de jeunes pilotes ?

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TOUR DE CORSE 1976
(Gilles Boucher, l'Auto Journal, 1.10.1976)


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Pour sa vingtième édition, le tour de Corse promettait d'être redoutable. Ses organisateurs l'avaient voulu ainsi : et aux 1 300 km de routes défoncées se sont ajoutées des trombes de pluie. L'épreuve est séparée en deux boucles Bastia-Ajaccio et Ajaccio-Bastia. Elles renfermaient cinq spéciales chronométrées, bien connues des pilotes du continent, et quatre très longs secteurs de classement variant de 96 à 164,5 kilomètres. Le tour de Corse se dirigeait donc vers la forme marathon. Une seule neutralisation de deux heures au parc fermé d'Ajaccio permettait aux concurrents épuisés de prendre un peu de repos.
Le premier obstacle sérieux allait être la fatigue physique, mais l'absence totale de revêtement dans certains tronçons constituait un piège redoutable. Les équipages allaient devoir allié rapidité et intelligence : ne pas rouler trop vite pour ne pas casser les voitures sur les énormes nids de poules sans prendre trop de retard car les pénalisations amassées ne leur permettraient plus de prétendre aux places d'honneur. Dilemne d'autant plus délicat que les pluies diluviennes qui tombaient par intermittence dans tous les coins de l'île ne permirent jamais aux pilotes de choisir le type de pneumatique approprié à une épreuve donnée. Cette formule marathon qui mettait en valeur la technique de pilotage et l'endurance des concurrents faisait l'unanimité. Elle offrait, toutefois, un inconvénient majeur! Comment mettre sur pied un service de sécurité apte à secourir un équipage accidenté dans les délais les plus brefs tout au long de ces 1 300 kilomètres de routes sinuant aux flancs de vallées abruptes où un hélicoptère ne peut même pas se poser? La réponse était : impossible. Pourtant le réseau des télécommunications avait été considérablement renforcé par la présence de deux avions relais assurant les liaisons vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Bref, chacun s'apprêtait à affronter une épreuve particulièrement redoutable.

Un très beau plateau

La bagarre s'annonçait d'autant plus âpre que le plateau était très relevé. L'équipe Lancia Alitalia n'engageait finalement qu'une seule Stratos pour Munari, dotée du moteur à vingt-quatre soupapes et développant 275 ch. Elle était épaulée par celle du champion d'Europe, Bernard Darniche, qui ne recevait qu'un moteur à deux soupapes par cylindres de 250 ch ; ces deux voitures jouaient assurément le rôle de favorites. Darnîche avait gagné l'année dernière, et Munari, sorti dans la dernière épreuve chronométrée alors qu'il était en tête, avait une revanche à prendre. Cette équipe de choc était complétée par la Stratos de Francis Serpaggi et celle de "Nico". L'objectif du constructeur italien était clair: gagner pour s'assurer le titre de champion du Monde des rallyes, et si possible avec Sandro Munari. L'avertissement à l'équipage d'André Chardonnet était direct!...
On trouvait ensuite cinq berlinettes Alpine Renault A 310 engagées par des clients de la marque. Deux 1 950 cm3 aux couleurs Gitanes pour Jean-Claude Andruet et Jean Ragnotti bénéficiant des dernières modifications de châssis, qui recevaient les "gros freins" et la rampe de phares type Lancia. Ces voitures étaient propulsées par des moteurs quatre cylindres préparés chez Mignotet développant 200 ch environ. Puis trois 1 860 cm3, un peu moins puissantes, pour Francis Vincent, Michèle Mouton et le Bastiais Jean-Pierre Manzagol, redoutable chez lui.
L'équipe Opel officielle, qui occupe la seconde place au classement du championnat du monde, alignait deux Kadett GTE GR 4 équipées de quatre freins à disque et du moteur à seize soupapes développant quelques 220 ch. Walter Rohrl et Jean-Pierre Nicolas les pilotaient tandis que le team Opel BP Marseille engageait des voitures moins puissantes, encore dotées de tambours arrière pour Guy Fréquelin et Jean-Louis Clarr.
La surprise venait de Peugeot qui n'alignait pas moins de quatre 104 ZS. Trois groupe 2 et une tourisme de série. Timo Makinen, qui l'avait fait débuter à la ronde de la Giraglia, et Hannu Mikkola pilotaient les modèles 110 chevaux, Jean-Claude Lefèbvre la 85 ch et Claude Laurent la groupe 1 de 65 chevaux. Pourquoi ce déferlement soudain ? Peugeot va commercialiser un nouveau kit moteur permettant d'augmenter sensiblement la puissance de la petite 104 ZS. Les deux Finlandais étaient affirmatifs : "Malgré son manque de puissance en groupe 2, cette voiture ainsi modifiée va permettre aux jeunes amateurs de rallyes de disputer ces épreuves avec un matériel compétitif très abordable". D'où la présence de ces quatre voitures, confiées à des pilotes de grand talent. Gérard Allégret, le patron du service compétition possède un sens très poussé de la publicité... !
On trouvait enfin deux outsiders en la personne de Jean-François Mass et Jacques Alméras respectivement au volant de Porsche Gr 4 et Gr 3.


L'hécatombe

Quatre-vingt-sept équipages se présentaient au départ donné de Bastia. Pluie, tronçons secs, terre, ravines et cailloux, allaient s'avérer meurtriers pour les mécaniques, et les premières à succomber étaient
les voitures de l'équipe Opel. Bernard Darniche parvenait à distancer Sandro Munari et s'installait en tête, Rohrl cassait le moteur de son Opel et Jean-Pierre Nicolas sortait de la route sur rupture d'une roue arrière après avoir connu de graves ennuis de surchauffe moteur. Chez BP Marseille, Guy Fréquelin connaissait des ennuis de pont qui le ralentissaient considérablement. Jean-Louis Clarr, après avoir cassé plusieurs culbuteurs devait renoncer.
Mais Opel n'était pas le seul touché. Les rangs des Alpine Renault se clairsemaient : Francis Vincent, qui se plaignait de son moteur dès les premiers instants de la course, devait renoncer lorsque ce dernier explosait. Michèle Mouton cassait son différentiel. Ce n'était là qu'une mise en train. L'enfer allait se poursuivre pendant les quelque huit heures de parcours chronométré. Avec la nuit vint le brouillard. Auquel s'ajoutait le redoutable piège des feuilles de châtaigniers. A ce petit jeu, Andruet, mal calé dans un trop grand siège, perdait lentement le contact jusqu'à ce que sa boîte de vitesses se bloque ; ses espoirs s'écroulaient.
Pendant que Bernard Darniche s'accrochait à sa position de leader et devançait Munari, Manzagol, Ragnotti, Mass et Fréquelin, c'était l'équipe Peugeot qui était à son tour accablée. Timo Makinen était d'abord ralenti par des ennuis électriques, pour finalement se retirer lorsqu'un piston rendait l'âme. Hannu Mikkola, victime d'un blocage des carburateurs, prenait trente-deux minutes de pénalisation et continuait pour la gloire de la Peugeot 104. Il n'en réalisait pas moins des prouesses. Manzagol cassait un triangle de suspension arrière, Mass, soudainement privé d'éclairage ouvrait son train avant sur un gros caillou, Fréquelin sans freins arrière se voyait privé de son alternateur et Mikkola connaissait, lui aussi, des problèmes de freins. Dix-neuf concurrents avaient déjà abandonné. A l'arrivée d'Ajaccio, on en dénombrait trente-huit! Parmi ceux-ci, Francis Serpaggi partit sous une pluie battante avec des pneumatiques "slicks" pour le sec. La Lancia Stratos était inconduisible, et le pilote corse, dû se résoudre à baisser les bras, après avoir frôlé la catastrophe à plusieurs reprises. "Nico" avait abandonné depuis longtemps. Munari faisait le forcing et s'adjugeait trois des cinq épreuves chronométrées.
A l'arrivée de la première boucle, le pilote italien comptait trente et une secondes d'avance sur Bernard Darniche. Jean-Pierre Manzagol était pointé en troisième position et précédait Jean Ragnotti, Guy Fréquelin, victime d'une crevaison, Jacques Alméras remarquable pour ses débuts dans le tour de Corse, Moreau et Soriano, tous deux sur des berlinettes A 110. Seuls les trois premiers passaient sans pénalisations.


Munari ou Damiche

Dès lors, l'intérêt allait se reporter en tête où les deux pilotes Lancia tentaient le tout pour le tout. Rester sur la route dans ces conditions devenait un exploit. Mass avait abandonné sur rupture de boîte, Ragnotti en panne de démarreur se voyait bientôt privé de compte-tours puis de communications interphone. Lefebvre abandonnait avec une fuite à la cartouche de filtre à huile, et Cerf, au volant de la seule Ford Escort engagée, renonçait à son tour après avoir connu toutes les misères de la terre.
Darniche allait cependant reprendre le commandement dans la septième épreuve chronométrée et devançait Munari de six petites secondes. Guy Fréquelin décidément malchanceux, noyait son moteur en traversant une flaque d'eau, et privé de démarreur, restait sur place. Claude Laurent, au volant de sa petite 104, réalisait des prodiges d'équilibre pour parvenir à passer dans les temps. Pendant près de cinq heures, il va frôler la mise hors course.
Cette fin d'épreuve était haletante. Le sort, ou plutôt les mauvaises routes allaient accabler les concurrents jusqu'à la dernière seconde. Ragnotti connaissait des ennuis de boîte de vitesses et Munari cassait un ressort de soupape. Qui l'emporterait ? Les événements allaient, une fois encore, forcer le destin. Le pilote de l'équipe Chardonnet prenait une minute de pénalisation pour dix-huit secondes de retard sur un parcours de liaison.
Une telle légèreté peut paraître suspecte pour un équipage de professionnels, champion d'Europe cette année. Mais la course a ses mystères, et ses intérêts.
C'était donc une aubaine inespérée pour Sandro Munari. Sur cinq cylindres, privé de démarreur, l'Italien parvenait à reprendre quatre secondes à son rival Français dans la dernière épreuve de la Castaniche et l'emportait avec seize secondes d'avance. Cette marge infime au terme de 1 300 kilomètres d'une lutte sans merci est tout bonnement stupéfiante. Elle n'en donne que plus d'éclat à la victoire de la Lancia Stratos officielle, mais prouve encore une fois que Bernard Darniche a su se hisser au niveau des meilleurs.
Dix-sept équipages regagnaient Bastia. Onze seulement allaient être classés !...


CLASSEMENT

11
équipages classés sur 87 au départ.
1. Munari-Maiga (Lancia Stratos), 8 h 23'55" ; 2. Darniche-Mahé (Lancia Stratos), 8 h 24'71" ; 3. Manzagol-Filipi (Alpine Renault A 310), 8 h 49'14" ; 4. Ragnotti-Jaubert (Alpine Renault A 310), 8 h 59'28" ; 5. Alméras-Defferrier (Porsche Carrera), 9 h 19'lO" ; 6. Moreau-Baron (Alpine Renault A 110), 9 h 41'33" ; 7. Rognoni-rdini (Porsche 911 S), 9 h 48'48" ; 8. Sevelinge-Sevelinge (Opel Kadett GT), 9 h 56'31" ; 9. Greder-"Celigny" (Opel Kadett GTE), 10 h 06'28" ; 10. Mikkola-Todt (Peugeot 104 ZS), 10 h 13'51", 1er en groupe 2 ; 11. Laurent-Marché (Peugeot 104 ZS), 10 h 34'35".

Quatre 104 ZS sont au départ au Tour de Corse
Gr 2 110 ch pour Timo Makinen et Hannu Mikkola, Gr 2 85 ch pour Jean-Claude Lefèbvre et Gr 1 65 ch pour Claude Laurent.

Mise à jour le Mardi, 16 Juin 2009 11:04